Épisode 12
Pas le temps ?
- Selon une étude de 2020, écouter de la musique est bien corrélé à une amélioration de la performance physique.
- Les explications de cet effet ergogène sont multiples : psychologique, physiologique et psychophysique.
La musique fait partie intégrante de mes entraînements. J’ai déjà évoqué dans l’Épisode précédent le fait que c’était la clé de mon conditionnement en route vers la salle de sport. Je l’utilise également en séance mais de manière différente selon que je travaille mon cardio ou mon renforcement musculaire (plus de détails sur ça plus tard). Bien sûr, je suis loin d’être le seul et vous avez dû croiser plusieurs personnes en train de faire de l’exercice un peu en transe ou dit autrement “focus”. Même aux jeux olympiques, certains riders performent avec des écouteurs aux oreilles. Que dit la science précisément sur le lien entre la musique et les performances physiques ? Montez le volume…
Pratique pour améliorer ses performances
On dit que la musique adoucit les mœurs. Elle a une réelle influence sur nos émotions et même notre jugement. Orphée, aux Enfers, l’avait même mise à profit pour convaincre Hades et Perséphone de lui rendre Eurydice. L’angle qui nous intéresse est toutefois plus précis : est-il possible d’améliorer son endurance, sa force, ou encore sa coordination, en d’autres termes sa performance, par une sélection musicale judicieuse ?
Grâce à une méta-analyse de 20201 sur 139 études (couvrant 3599 participants), il est désormais possible d’avoir un peu de recul sur l’écoute de la musique lors d’un exercice physique. Nous reviendrons sur d’autres résultats de cette dernière plus tard mais l’un d’entre eux permet de répondre clairement à la problématique. Effectivement, écouter de la musique est corrélé à une amélioration de la performance physique, autrement appelée effet ergogène, avec une taille d’effet mesurée avec un g de Hedges (g = 0,31, IC [0,25, 0,36]) entre faible (0,2) et moyen (0,5).
Mais la vraie question est de savoir comment, ce qui permettrait de donner des pistes pour personnaliser sa playlist musicale…
Une conjonction de facteurs psychologique, physiologique et psychophysique
L’étude citée précédemment donne en fait un cadre de référence intéressant pour identifier les raisons explicatives de l’amélioration des performances et donc d’une certaine manière aussi de l’utilisation de la musique comme levier de motivation pour ses entraînements :
- Facteur psychologique : Évidemment, la première interprétation qui vient à l’esprit est le lien avec le plaisir que l’on ressent en écoutant de la musique. Les psychologues aimant bien être pointus, ils parlent de valence affective2 positive, variable qui au passage avait le plus gros effet de taille observé (g = 0,48, IC [0,39, 0,56]), considéré comme moyen. Cette sensation de frissons de plaisir que nous avons tous eue au passage d’un de nos morceaux préférés a en effet cette capacité à créer un état d’excitation physiologique, très favorable à l’activité physique. Ça me rappelle au passage que certains se mettent même en transe avec de la musique Gnaoua3.
Conclusion : faites votre propre playlist des morceaux que vous aimez… - Facteur physiologique : Puisque je ne suis plus à un concept près, je vais me permettre d’en introduire un dernier. Mais rassurez-vous, je ne fais que mettre un mot derrière un phénomène que nous avons déjà vécu (en tapant des pieds en rythme avec de la musique) et observé (même chez les animaux), à savoir la capacité de notre corps à se synchroniser avec un rythme extérieur, aussi appelé Entrainment4 (que l’on pourrait simplement traduire par « synchronisation », même si je n’ai pas trouvé de traduction officielle). En effet, faire un effort régulier (de type cyclisme ou course) en présence d’un tempo5 synchrone et particulièrement avec des temps6 (beats) accentués, permet à son corps d’être plus efficient dans sa gestion de l’effort. La variable suivie ici est la consommation d’oxygène maximale ou V02max, très bon indicateur d’effort physique. Son effet de taille (g = 0,15, IC [0,02, 0,27]), était toutefois assez faible.
Conclusion : Essayez de trouver des musiques avec des bpm (battements par minute) assez élevés (plus de 115) et proches du rythme que vous souhaitez. - Facteur psychophysique : Nous ressentons intérieurement les effets de l’effort physique, de l’augmentation de la fréquence cardiaque à la fatigue musculaire, en passant par la transpiration, ce qui se quantifie – subjectivement – par la mesure de perception de l’effort7 ou RPE. Il se passe que la musique, stimulus sensoriel externe, joue un rôle de distraction vis-à-vis de ces signaux internes et s’apparente pour moi à une sensation ponctuelle de “surpuissance”. Pour donner des références populaires, pensez à Rocky quand il s’entraîne ou encore à Mario sous l’effet d’une étoile (et le morceau de musique qui va avec…). La corrélation du RPE (g = 0,22, IC [0,14, 0,30]) est quand même faible.
Conclusion : quand ça fait mal, concentrez-vous sur la musique (je pense personnellement à certaines phases d’une course à pied).
Rappelez-vous qu’il ne fait aucun doute que l’écoute de musique pendant une activité physique améliore votre expérience. L’effet positif est plus prononcé chez les débutants et ne semble pas se manifester en pic de performance (de toute façon, beaucoup d’épreuves interdisent la musique pendant la compétition, notamment pour pouvoir suivre les instructions). Le sujet plus large de la musicothérapie (que j’ai déjà combinée avec du yoga nidra) pourra aussi être abordé à l’occasion. Petite parenthèse, traiter ce sujet m’a un peu rappelé quelques études que nous avions faites sur la valeur de la musique…
Voici un hack perso : faites 3 playlists pour vos séances d’exercices.
- La première, plutôt orientée “feel good” est faite avant tout de morceaux que vous aimez bien et je dirais même sur lesquels vous pouvez chanter (oui, c’est possible que vous me croisiez en train de chanter sur le chemin vers la salle de sport). C’est ma motivation pré-séance. Là je pense à « Sultans of Swing » (version Live) de Dire Straits.
- Une seconde, “métronome” est dédiée à vos sorties longues (de course) et enchaîne des morceaux au tempo similaire, correspondant à votre rythme. Je vais citer « Technologic » de Daft Punk.
- La troisième est une liste que je qualifierais de “boost”, avec quelques morceaux particulièrement entraînants pour ces moments un peu plus durs. Elle est utilisée un peu en dernier recours, en course quand j’ai du mal à garder le rythme fixé, comme en muscu pour finir les dernières répétitions et séries. La dernière entrée en date pour moi c’est « Substitution » de Purple Disco Machine.
Quelles sont les vôtres ?
Fun Fact
Le légendaire coureur éthiopien Haile Gebrselassie a attribué à la chanson « Scatman (Ski-Ba-Bop-Ba-Dop-Bop) » de Scatman le record du monde qu’il a battu sur 10 000 mètres en 1998. Ce qui est bizarre, c’est que le débit de la chanson est de 136 bpm alors que son allure devait être au-delà des 190, soit près de 1,5 fois (il paraît que ça s’appelle une syncope en musique). Faut croire que c’est une chanson qui lui tient tout simplement à coeur…
Pour aller plus loin
Références
- Terry PC, Karageorghis CI, Curran ML, Martin OV, Parsons-Smith RL. Effects of music in exercise and sport: A meta-analytic review. Psychol Bull. 2020;146(2):91-117. doi: 10.1037/bul0000216. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31804098/ ↩︎
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Valence_(psychologie) ↩︎
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Gnaoua ↩︎
- https://en.wikipedia.org/wiki/Entrainment_(biomusicology) ↩︎
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Tempo ↩︎
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Temps_(musique) ↩︎
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Échelle_de_Borg ↩︎