Notre environnement est obésogène… 

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Épisode 9

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Notre environnement est obésogène… 
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Pas le temps ?
  • L’obésité est en augmentation partout dans le monde, atteignant 17 % en France en 2020, soit le double de 1997.
  • Une des explications est l’environnement obésogène :
    • Les infrastructures urbaines favorisent la sédentarité, limitant les modes de transport actifs comme la marche ou le vélo.
    • L’industrie agroalimentaire produit des aliments ultratransformés riches en gras, sucre et sel, pour les rendre plus addictifs.
    • L’omniprésence de distributeurs automatiques facilite l’accès à la junk food.
    • Les publicités pour des produits alimentaires peu sains, ciblant souvent les enfants, ont une forte répercussion sur les habitudes de consommation. Mais une réglementation plus stricte, comme au Québec et au Chili, peut être efficace pour la limiter.
  • La prise de conscience de ces stimuli est un premier pas vers la résolution du problème.

Pour le sujet d’aujourd’hui, j’avais la citation d’Oscar Wilde en tête, « Je peux résister à tout, sauf à la tentation ». Et pour faire moins littéraire, quand vient ce rituel annuel où je me rends compte que je me suis laissé dériver avec quelques kilos en trop et qu’il est temps de se ressaisir, j’ai l’impression d’avoir été casté sur l’Île de la tentation. Sauf que c’est le sucre et le gras sous toutes ses formes les plus délicieuses qui me font de l’oeil. Et souvent, cette junk food vous a à l’usure…

L’obésité ne cesse d’augmenter

Commençons par les statistiques qui fâchent : partout dans le monde, l’obésité1 ne cesse d’augmenter. En France2, elle est de 17 % en 2020, exactement le double de ce qu’elle était en 1997. C’est déjà beaucoup trop, notamment comparé à l’un de nos pays voisins culturellement proche, l’Italie3, avec ses 10,4 %. Et ne parlons pas du Japon4 et ses 4,5 %. Certes, nous sommes en dessous de la moyenne européenne5 de 24 % qui correspond à la situation du Canada6, et bien loin des 42,4 % des États-Unis7. Mais je ne pense pas qu’il y ait de quoi se réjouir, d’autant plus que si l’on élargit le périmètre aux personnes en surpoids, nous sommes à 47,3 % de la population !

Nous n’allons pas revenir ici sur les raisons des différences entre pays mais sur l’explication de la tendance haussière, donc des facteurs communs, dont l’environnement obésogène.

Une réglementation plus protectrice peut offrir des solutions efficaces

L’environnement obésogène a été défini par Sunburn et al.8 par les « obstacles (…) au maintien d’un poids sain ». Vous connaissez le refrain, ceux-ci sont multifactoriels : économiques, socio-culturels et réglementaires. Illustrons tout ça :

  • Considérons d’abord notre dépense énergétique totale. Inutile de rappeler que nos sociétés urbaines sont de plus en plus sédentaires. Mais à part quelques initiatives par-ci par-là, les infrastructures ne sont pas très favorables à des modes de transport plus actifs. Peut-être habitué à une vie parisienne, je suis toujours surpris de découvrir que dans des villes pourtant peuplées il n’est pas possible d’avoir toutes les commodités à distance de marche. C’est en partie une question de densité dont Paris est un véritable modèle. Même en envisageant le vélo, on se retrouve très vite coincé entre un bus et un camion par manque d’infrastructure dédiée mais surtout continue : ce n’est pas le tronçon de 2 km sur votre trajet qui va vous rassurer pour vos enfants…
  • Mais parlons surtout de l’industrie agroalimentaire, engrangeant au passage plus de 9 000 milliards de revenus dans le monde en 20239, qui n’a eu de cesse de réduire ses coûts de production, en introduisant ainsi de plus en plus d’additifs dans des aliments déjà ultratransformés10. Cette nouvelle génération de produits gras, sucrés, salés, un cocktail explosif que l’on peut qualifier de malbouffe ou junk food11 (très calorique et peu nutritif), a d’ailleurs été justement formulée pour déjouer nos mécanismes naturels (de satiété notamment) et les rendre plus addictifs.
  • La mise en place d’une déclaration nutritionnelle a bien une influence sur nos habitudes de consommation mais même celle-ci peut être contournée par des additifs. Et je pense notamment aux édulcorants dont on ne connaît pas très bien le risque sur la santé mais qui n’est certainement pas « zéro »12.
  • Notre environnement urbain est orienté vers l’achat impulsif de ces encas hypercaloriques : on ne peut parfois littéralement pas faire 100 pas sans tomber sur un distributeur automatique (pensez aux transports en commun ou à la cafet’ au bureau). Et les best sellers sont rarement les quartiers de pommes (quand il y en a !). J’ai même été récemment surpris de tomber dessus dans la salle d’attente d’un hôpital, un établissement dit de “santé”. Heureusement qu’en France nous avons réussi à interdire ça dans les écoles dès 200513 mais ce n’est malheureusement pas une pratique répandue, même en Europe.
  • Et que pensez-vous de ces enseignes américaines qui importent avec elles des portions gargantuesques ? Franchement, quand le cup qu’on vous propose pour un latté est plus grande que votre mug, c’est qu’il y a un problème ! Et allez demander un americano à un italien…
  • Il ne faut pas non plus oublier le matraquage publicitaire des produits alimentaires et son travail de sape depuis notre plus tendre enfance. Figurez-vous que les publicités destinées aux enfants sont presque exclusivement concentrées sur des produits au Nutri-Score D ou E (les notes les plus basses !). L’engagement de certains industriels14 de basculer leur marketing vers des produits plus sains pour les moins de 12 ans ressemble à un voeu pieux avec des critères « healthy » trop lâches. On notera toutefois quelques initiatives gouvernementales très intéressantes. Au Quebec, une loi15 dès 1980, première du genre et mise à jour en 2023, interdit le marketing des fast food aux moins de 13 ans, ce qui lui a permis de maintenir l’un des taux d’obésité les plus bas du pays. Mieux encore, au Chili, une interdiction plus poussée (même plus de mascotte sur les céréales !), commencée en 2016 et étendue en 2018 a été très efficace selon une publication de 202316 : une baisse de 64 % des publicités pour des produits alimentaires mauvais pour la santé ! Je ne sais pas pour vous, mais je me rappelle bien avoir réclamé à mes parents une marque particulière parce qu’il y avait des jouets dedans…

Une prise de conscience des stimuli aussi

Il y a quand même une bonne nouvelle dans tout ça. Il semble que nous puissions renforcer notre résistance à ces signaux alimentaires omniprésents. Une étude de 202217 menée par les universités UCSD, U Michigan, et Brown aux États-Unis a montré que des stratégies personnalisées peuvent aider.

Dans cette étude, plusieurs groupes de personnes en surpoids ou obèses ont reçu différents types de coaching. L’un de ces groupes a reçu un coaching sur la « régulation des signaux » (Regulation of Cues). Ce groupe a appris à reconnaître les situations et les pensées qui les poussent à trop manger et à utiliser des techniques pour réduire l’influence de ces signaux.

Ce qui est remarquable, c’est que ce groupe a certes perdu une quantité modeste de poids pendant l’expérience, mais a continué à perdre du poids bien après. Ses membres n’ont pas eu à surveiller leur consommation de nourriture ou à restreindre leur apport énergétique. Au lieu de cela, ils se sont concentrés sur la compréhension de leurs signaux de faim internes.


Rappelez-vous que l’obésité est un sujet multifactoriel. Je suis convaincu qu’une partie de la solution est dans la réglementation parce qu’on ne peut pas laisser ces industriels nous manipuler chimiquement et émotionnellement. L’autre partie de la solution est en nous : une meilleure prise de conscience est déjà un bon début et c’est même l’objectif de cette série de podcasts et de l’Assistant Santé Libra. D’autres sujets peuvent encore être creusés comme l’alimentation émotionnelle, la dépense énergétique de non exercice ou encore l’intérêt de se mettre au vert…

Voici un hack perso : ne laissez pas entrer « le loup dans la bergerie ». Je m’explique, quand je suis en phase de réajustement (entendez perte de gras et maintien de masse musculaire), je n’achète tout simplement plus d’aliments hypercaloriques. Certes, je pourrais travailler ma volonté mais on a vu dans l’Épisode sur la fatigue décisionnelle que c’est inutile d’épuiser ainsi ses capacités mentales…

Fun Fact

Le plus ancien distributeur automatique connu à ce jour18 vendait en fait de l’eau bénite. Il est l’œuvre de Héron d’Alexandrie et permettait, en échange d’une pièce et par un ingénieux système, de proposer de l’eau pour les libations (offrandes à un Dieu)…

Pour aller plus loin

Références

  1. https://www.who.int/fr/health-topics/obesity ↩︎
  2. https://www.odoxa.fr/sondage/enquete-epidemiologique-nationale-sur-le-surpoids-et-lobesite/ ↩︎
  3. https://data.worldobesity.org/country/italy-102/#data_prevalence ↩︎
  4. https://data.worldobesity.org/country/japan-105/#data_prevalence ↩︎
  5. https://www.oecd-ilibrary.org/sites/8cdeadfa-en/index.html?itemId=/content/component/8cdeadfa-en ↩︎
  6. https://data.worldobesity.org/country/canada-36/#data_prevalence ↩︎
  7. https://www.cdc.gov/nchs/about/factsheets/factsheet_nhanes.htm ↩︎
  8. Swinburn B, Egger G, Raza F. Dissecting obesogenic environments: the development and application of a framework for identifying and prioritizing environmental interventions for obesity. Prev Med. 1999;29(6 Pt 1):563-570. doi: 10.1006/pmed.1999.0585. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/10600438/ ↩︎
  9. https://www.statista.com/outlook/cmo/food/worldwide ↩︎
  10. https://fr.wikipedia.org/wiki/Aliment_ultratransformé ↩︎
  11. https://fr.wikipedia.org/wiki/Malbouffe ↩︎
  12. https://www.who.int/news/item/15-05-2023-who-advises-not-to-use-non-sugar-sweeteners-for-weight-control-in-newly-released-guideline ↩︎
  13. https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/nutrition-et-activite-physique/documents/rapport-synthese/exposition-des-enfants-et-des-adolescents-a-la-publicite-pour-des-produits-gras-sucres-sales ↩︎
  14. https://eu-pledge.eu ↩︎
  15. https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/aliments-nutrition/strategie-saine-alimentation/mise-jour-politique-restriction-publicite-alimentaire-destinee-principalement-enfants/politique-proposee.html ↩︎
  16. Dillman Carpentier FR, Mediano Stoltze F, Reyes M, Taillie LS, Corvalán C, Correa T. Restricting child-directed ads is effective, but adding a time-based ban is better: evaluating a multi-phase regulation to protect children from unhealthy food marketing on television. Int J Behav Nutr Phys Act. 2023;20(1):62. Published 2023 May 26. doi: 10.1186/s12966-023-01454-w. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37231508/ ↩︎
  17. Boutelle KN, Eichen DM, Peterson CB, et al. Effect of a Novel Intervention Targeting Appetitive Traits on Body Mass Index Among Adults With Overweight or Obesity: A Randomized Clinical Trial. JAMA Netw Open. 2022;5(5):e2212354. Published 2022 May 2. doi: 10.1001/jamanetworkopen.2022.12354. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35583870/ ↩︎
  18. Sherwood AN, Milorad Nikolic, John William Humphrey, John Peter Oleson. Greek and Roman Technology: A Sourcebook of Translated Greek and Roman Texts. Routledge, An Imprint Of The Taylor & Francis Group; 2020. https://www.routledge.com/Greek-and-Roman-Technology-A-Sourcebook-of-Translated-Greek-and-Roman-Texts/Sherwood-Nikolic-Humphrey-Oleson/p/book/9781138927896# ↩︎