The bitter truth about sweeteners

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Épisode 13

Pas le temps ?
  • Les édulcorants hypocaloriques sont des substances au goût sucré avec peu ou pas de calories, utilisées pour réduire l’apport en sucres.
  • Une méta-analyse sur des ECR suggère que le remplacement des aliments sucrés par leurs équivalents édulcorés peut entraîner une perte de poids.
  • Cependant, un communiqué de l’OMS met en garde contre leur utilisation à long terme, suggérant des effets négatifs tels qu’un risque accru de diabète de type 2 et de maladies cardiovasculaires.
  • Les études de cohorte prospectives utilisées dans ces analyses présentent des limites, la corrélation identifiée pouvant résulter de facteurs de confusion.
  • Les édulcorants semblent de toute façon perturber le microbiote intestinal, ce qui soulève un certain nombre d’inquiétudes qui restent à confirmer…

Quand je commande dans un fast food un menu avec un burger et des frites, je m’empresse de spécifier que le soda doit être « light ». La première remarque que je me fais c’est qu’il doit probablement y avoir un souci avec les ordres de grandeur, et que je me donne plus bonne conscience qu’autre chose. Puis je me fais la réflexion suivante : est-ce qu’on ne se fait pas plus de mal que de bien ? Aujourd’hui, nous allons parler des édulcorants hypocaloriques. Ce sujet me fait penser au concept de free lunch vers la fin du 19ème siècle aux États-Unis (ça ne devrait pas vous étonner). En effet, les saloons proposaient parfois un repas gratuit à toute personne qui prenait une consommation (a priori moins chère que ledit repas). Mais l’idée pour eux était évidement de rentabiliser l’opération avec les commandes suivantes. Autrement dit : rien n’est free ou « zéro » conséquence ! Je vais vous en présenter une version non édulcorée…

Les édulcorants permettent de réduire l’apport en sucres…

Les édulcorants hypocaloriques sont des substances au goût sucré qui contiennent peu ou pas de calories mais dont l’intensité du goût sucré par gramme est plus élevée. Citons les 6 autorisés en tant qu’additifs aussi bien en Amérique du Nord qu’en Europe, par ordre de découverte : saccharine, aspartame, acésulfame K, sucralose, néotame et advantame. On peut même y ajouter certains glycosides de stéviol (provenant de la plante stévia), « généralement reconnus comme sans danger ».

Notons que cette définition exclut les polyols qui sont d’autres substituts de sucres (typiquement dérivés de sucres), à teneur réduite (de moitié) en calories et que l’on peut retrouver aussi bien dans les chewing gums que dans du dentifrice.

Je laisse de côté leur intérêt pour la prévention des caries. L’autre est une question de bon sens : en remplaçant des aliments sucrés par des aliments au goût sucré equivalent (bien que distinctif) mais nettement moins caloriques, il semble mécaniquement possible de réduire ses apports énergétiques et donc d’aboutir plus facilement à un déficit calorique. C’est la conclusion à laquelle était parvenue une méta-analyse de 20221 sur des essais contrôlés randomisés, identifiant de « faibles améliorations du poids corporel et des facteurs de risque cardiométaboliques sans preuve de nocivité ».

Ces stratégies de substitution semblent alors efficaces, même si on n’en connaît pas forcément les répercussions sur le long terme. Sont-elles une solution pérenne pour satisfaire “sans risques” sa dent sucrée ou uniquement transitoires vers une réduction plus réelle ?

… Mais semblent associés à plusieurs effets négatifs

C’est maintenant l’occasion de revenir sur le communiqué2 en mai dernier de l’OMS sur les édulcorants, faisant suite à leur méta-analyse de 20223. Il était plutôt controversé. Pourquoi ? Parce qu’il tire des conclusions plutôt radicales (bien que conditionnelles) : « l’utilisation d’édulcorants non nutritifs ne confère aucun avantage à long terme en matière de réduction de la graisse corporelle chez les adultes et les enfants » et « peut avoir des effets indésirables, tels qu’un risque accru de diabète de type 2, de maladies cardiovasculaires et de mortalité chez les adultes ».

En fait, ces conclusions ne devraient pas nous surprendre en tant que français, surtout si l’on considère leur méthodologie, étant donné qu’ils se sont principalement appuyés sur des études de cohorte prospectives comme celle de NutriNet-Santé (citée dans leurs sources). Celle-ci a d’ailleurs publié il y a près d’un an4 des conclusions similaires mais quantifiées sur 103 388 participants : risque accru de maladies cardiovasculaires de 8 % (hazard ratio = 1,08, IC [1,01, 1,18]) et de maladies cérébrovasculaires de 18 % (hazard ratio = 1,18, IC [1,06, 1,31]).

Les limitations de cette analyse, qui donnent un aperçu de celles de l’OMS, sont qu’il s’agit avant tout d’une étude observationnelle. Plusieurs efforts ont été réalisés pour réduire les facteurs de confusion mais rien ne peux empêcher de penser que la corrélation identifiée n’est finalement qu’une causalité inverse : c’est parce que les personnes sont déjà à risques (notamment par une alimentation trop riche et un manque d’activité physique) qu’ils essaient de réduire leur apport énergétique en utilisant des édulcorants.

A titre comparatif, une autre méta-analyse de 20225 sur des études de cohorte prospectives a utilisé des méthodes statistiques différentes, notamment pour faire des analyses de substitution, et est plutôt tombée sur des conclusions similaires à celles de la toute première synthèse citée ici. En effet, ces études interventionnelles, où l’on fait substituer un aliment par son équivalent édulcoré, ou encore ajouter à son alimentation des édulcorants, semblent en effet plus probantes.

Conclusion de l’histoire : il y a corrélation, il en faudrait plus pour définir une relation claire de cause à effet. Mais on pourrait aussi essayer de comprendre le phénomène : pourquoi les édulcorants pourraient créer certains dérèglements ? D’aucuns avancent l’altération de la sécrétion d’insuline ou encore la perturbation du microbiote intestinal…

Le microbiote intestinal, un début de compréhension

J’en reviens à l’introduction et l’association : zéro calorie donc zéro conséquence. C’est probablement faux ! Ces substances ne sont pas inertes. Déjà, toutes les personnes ne réagissent pas forcément de la même manière à la (sur)excitation du goût sucré sans contrepartie calorique. Et pour certains, ça augmente même la sensation de faim.

Mais des découvertes plus intéressantes sont plus du côté du microbiote intestinal. Une publication israélienne de 20226 apportait déjà quelques arguments à cette hypothèse. L’étude a porté sur 120 personnes qui ne consommaient généralement pas d’édulcorants. Les participants ont ensuite ajouté à leur régime alimentaire 6 sachets par jour pendant 2 semaines. On a suivi l’évolution de leur microbiote intestinal et de leur réponse au glucose. Tous les édulcorants ont eu un effet sur la composition du microbiote intestinal, et ce de différentes manières. En outre, la saccharine et le sucralose ont tous deux eu des effets négatifs sur la capacité des sujets à réguler leur glycémie.

S’agissait-il alors d’un simple effet transitoire ? Davantage d’essais cliniques sont nécessaires…


Rappelez-vous que les édulcorants ne sont probablement pas inertes ! C’est ainsi qu’on peut comprendre les recommandations de l’OMS de les éliminer complètement de notre alimentation. C’est simple, ils n’ont aucun intérêt nutritionnel. Mais ils me semblent quand même pertinents en substitution du sucre pour des diabétiques ou des personnes en transition vers une alimentation plus saine. Ce que je retiens en fait c’est la nécessité de se déshabituer du goût sucré… pour mieux l’apprécier naturellement, dans les fruits par exemple. Et c’est bizarre mais on a tourné autour du pot de sucre sans pour autant en parler ; ce sera pour une prochaine fois alors… Aussi, je pense que la modification prochaine de l’algorithme du Nutri-Score sur les boissons, avec une dégradation des notes des boissons avec édulcorants, est une bonne chose. Il n’y aura donc plus que l’eau comme boisson à la note A.

Voici un hack perso : au lieu de vous tourner vers des boissons qui peuvent désensibiliser votre palet, faites-vous vos propres boissons hypocaloriques maison. Aromatisez naturellement votre eau (pétillante si vous voulez) avec des rondelles de citron ou de concombre, des feuilles de menthe ou encore du gingembre. Bref, vous passerez de boissons « zéro » à des boissons « plus » (failli dire « héros » mais c’est surfait). Je n’y suis pas encore mais certains vont encore plus loin en se faisant des glaçons aromatisés… A tenter !

Fun Fact

La saccharine, qui tire son nom du mot latin signifiant « sucre », a été découverte accidentellement en 1879 par Constantin Fahlberg, un chimiste russe travaillant sur les dérivés du goudron de houille dans le laboratoire d’Ira Remsen à l’université Johns Hopkins. La légende dit qu’ayant oublié de se laver les mains, il avait goûté quelque chose de sucré sur ses doigts. Après quelques taste tests dans son laboratoire, il a découvert qu’il s’agissait de sulfimide benzoïque, 300 fois plus sucré que le sucre.

Fun Fact dans le Fun Fact, l’entreprise Monsanto a commencé en 1901 en vendant… de la saccharine.

En 1907, la saccharine était déjà largement utilisée dans les sodas et les conserves, mais la plupart des Américains n’avaient aucune idée de sa présence dans leurs aliments. Dans le cadre d’une série de réformes radicales de l’alimentation et des médicaments, Harvey Wiley, chef de la division chimique du ministère de l’agriculture des États-Unis, a recommandé d’interdire la saccharine en raison de sa toxicité potentielle. La personne qui s’y est opposée n’est autre que le président Theodore Roosevelt, qui suivait un régime amaigrissant comprenant une dose de saccharine prescrite par son médecin. L’édulcorant a finalement été interdit en 1912, mais la décision a été annulée pendant la Première Guerre mondiale, lorsque les rations de sucre ont nécessité l’utilisation de la saccharine comme substitut. Une fois la guerre terminée, les gens ont continué à apprécier cet édulcorant hypocalorique.

Figurez-vous aussi que cet épisode insolite de “j’ai accidentellement goûté quelque chose de sucré”, a été répété avec le cyclamate (en récupérant une cigarette posée), l’aspartame & l’acésulfame K (en se léchant les doigts pour prendre une feuille de papier) et le sucralose (en confondant test et taste), improbable !

Pour aller plus loin

Références

  1. McGlynn ND, Khan TA, Wang L, et al. Association of Low- and No-Calorie Sweetened Beverages as a Replacement for Sugar-Sweetened Beverages With Body Weight and Cardiometabolic Risk: A Systematic Review and Meta-analysisJAMA Netw Open. 2022;5(3):e222092. Published 2022 Mar 1. doi: 10.1001/jamanetworkopen.2022.2092. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35285920/ ↩︎
  2. https://www.who.int/news/item/15-05-2023-who-advises-not-to-use-non-sugar-sweeteners-for-weight-control-in-newly-released-guideline ↩︎
  3. Rios-Leyvraz M, Montez J. World Health Organization: health effects of the use of non-sugar sweeteners: a systematic review and meta-analysis. World Health Organization; 2022. https://www.who.int/publications/i/item/9789240046429. ↩︎
  4. Debras C, Chazelas E, Sellem L, et al. Artificial sweeteners and risk of cardiovascular diseases: results from the prospective NutriNet-Santé cohortBMJ. 2022;378:e071204. Published 2022 Sep 7. doi: 10.1136/bmj-2022-071204. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36638072/ ↩︎
  5. Lee JJ, Khan TA, McGlynn N, et al. Relation of Change or Substitution of Low- and No-Calorie Sweetened Beverages With Cardiometabolic Outcomes: A Systematic Review and Meta-analysis of Prospective Cohort StudiesDiabetes Care. 2022;45(8):1917-1930. doi: 10.2337/dc21-2130. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35901272/ ↩︎
  6. Suez J, Cohen Y, Valdés-Mas R, et al. Personalized microbiome-driven effects of non-nutritive sweeteners on human glucose tolerance. Cell. 2022;185(18):3307-3328.e19. doi: 10.1016/j.cell.2022.07.016. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35987213/ ↩︎